Des héros ordinaires : Les passants d’Ottawa

Ordinary heroes: The Ottawa bystanders // Des héros ordinaires : Les passants d’Ottawa
Publication Date 
13 Jan 2015

FOCUS IE - 22 décembre 2014

Par Julie Smyth

Cet article a paru dans l’édition du 10 décembre 2014 de la revue Maclean’s Six personnes se sont portées au secours du Caporal Nathan Cirillo. Ils étaient des étrangers à ce moment-là; ceci a changé depuis. Une de ces personnes était Martin Magnan, de SMA (IE).


Le 22 octobre dernier, par une belle journée d’automne, Barbara Winters, Margaret Lerhe et Martin Magnan passaient devant le Monument commémoratif de guerre à Ottawa, en se rendant à leurs bureaux respectifs. MmeWinters avait un appareil photo et s’est arrêtée pour prendre quelques photos des soldats devant le cénotaphe. Le Colonel Conrad Mialkowski passait lui aussi devant le cénotaphe en se rendant au travail, en auto. De l’autre côté de la rue, face au monument, Anthony Wiseman, le chauffeur du Général Tom Lawson, Chef d’état-major de la Défense, attendait son patron dans la voiture pendant que celui-ci assistait à une réunion au Cabinet du Premier ministre dans l’Édifice Langevin. En fait, une journée de semaine tout à fait normale.

 

Soudainement, ils ont entendu plusieurs coups de feu. « Pop, pop, pop » se souvient Martin Magnan. Michael Zehaf-Bibeau venait d’abattre le Caporal Nathan Cirillo, un réserviste âgé de 24 ans qui montait la garde devant la Tombe du soldat inconnu. Son meilleur ami, le Caporal Branden Stevenson, deuxième garde en devoir a aussi été la cible du tireur, mais a réussi à s’échapper et à demander de l’aide. Les deux soldats portaient des armes vides.

 

Ces quelques minutes plongèrent le pays en état de choc et transformèrent ce groupe de passants en bons samaritains, faisant preuve d’un courage remarquable pour tenter de sauver le soldat. Leurs gestes ont conquis tous les coeurs de la nation, quelques semaines avant le Jour du souvenir. Le Caporal Kyle Button était également en devoir au monument ce jour-là. Il a réussi à se protéger des tirs, s’est précipité au chevet du Caporal Cirillo et a tenté d’arrêter le saignement en appuyant sur ses blessures.

 

Margaret Lerhe, infirmière, et Magnan, conseiller en communications au ministère de la Défense nationale, étaient directement dans le champs de vision du tireur. Ils ont tout de même couru porter secours au soldat blessé, Barbara Winters, avocate auprès du gouvernement fédéral, a fait la même chose. Anthony Wiseman, le chauffeur du CEMD, a vu le tireur s’enfuir du monument et est parti à ses trousses. Zehaf-Bibeau est monté dans sa voiture et a reculé en direction de M.Wiseman qui a réussi à l’éviter et a couru au secours du soldat. Le Colonel Mialkowski, un vétéran de l’Afghanistan, a tout de suite reconnu le bruit des coups de feu, a fait marche arrière avec sa voiture, l’a stationnée sur le trottoir et s’est précipité lui aussi auprès du soldat.

 

Ce groupe de six, civils et militaires, avait un niveau remarquable de formation en intervention médicale et en traumatisme. Ils se sont relayés pour administrer les soins d’urgence et la RCR. L’entraide était totale. « On se disait : « C’est bon! ou Vérifie ça » a raconté Mme Winters après la tragédie.

 

Martin Magnan a tenu la main du Caporal Cirillo. Barbara Winters lui parlait et priait. « Je lui disais que ses parents seraient fiers de lui. Qu’il était une bonne personne ». Les six n’avaient aucune idée si le tireur reviendrait sur les lieux ou s’il y avait d’autres tireurs. Ce qui importait pour eux, c’était de sauver la vie du Caporal.

 

De son côté, lorsqu’il a reçu l’appel 911, Anthony Di Monte, le chef des Services ambulanciers paramédicaux d’Ottawa sortait d’une réunion sur les préparations en cas de crise Ebola. Il a filé à pleine vitesse vers le monument. Il a dit que le Caporal Cirillo était décédé devant la Tombe du soldat inconnu, même si à l’hôpital, on avait tenté de le ranimer à plusieurs reprises. « La blessure était extrêmement traumatique. Nous avons tout essayé, tout, tout, tout. » M. Di Monte a aussi salué le travail du groupe des six.

 

Une tragédie peut diviser les gens, mais elle peut aussi les unir. La veille des funérailles du Caporal Cirillo, cinq des personnes qui ont tenté de lui sauver la vie ont loué une fourgonnette et ont conduit d’Ottawa à Hamilton. Un voyage chargé d’émotion puisque c’était la première fois qu’ils se retrouvaient depuis la fusillade. Ce soir-là, M. Di Monte et un collègue ont rencontré, par hasard, un groupe de personnes au bar de l’hôtel Sheraton. « Je ne les avais pas reconnues. Elles nous ont invitées à nous joindre à eux, ce n’était pas du tout planifié, et ce fut vraiment agréable. Mais le vrai héro c’est le caporal qui faisait un travail honorable et a perdu sa vie trop jeune. Et pour moi, le groupe des six représentent ce qu’il y a de bon chez les Canadiens. Ils n’ont pas hésité à venir en aide, malgré les circonstances. Ils ont fait preuve de la plus grande humanité. Ils ont tous été d’accord pour dire que cet événement a changé leur vie et c’est compréhensible. »

 

Ils ne sont plus étrangers. L’équipe, comme les six s’appellent, a gardé contact. Ils se remémorent cette journée et s’aident à aller de l’avant. « Je pense que nous allons êtres amis pendant longtemps », de dire Martin Magnan. « On se rencontre pour prendre un café, ou pour le lunch, et on jase. Nous avons pris une bière ensemble à quelques reprises, c’était comme des amis qui se rencontrent en ville. Nous nous téléphonons ou nous envoyons des courriels régulièrement, question de s’assurer que tout le monde va bien.

 

Julie Smyth est pigiste pour MacLean’s.