La vaillance des sapeurs sur l'Orne

Op GOODWOOD et ATLANTIC (De Max Hastings - Overlord: Jour J et la bataille de Normandie)
Churchill et Montgomery traversent un pont construit par le GRC à Caen 22 juillet 1944
Pont « Winston » construit par la 31e Compagnie de campagne, 18 juillet 1944
Pont 'Churchill' construit par la 5e Compagnie de campagne, 18 juillet 1944

Par le Lcol Don Chipman, CD (ret)

Contexte

On oublie souvent que la bataille de Normandie a été plus que le débarquement du jour J. Jusqu'à ce que les armées canadienne et américaine réduisent l'écart de Falaise le 21 août, la bataille de Normandie fait rage à un rythme souvent comparé à celui de Passchendaele pendant la Première Guerre mondiale. À son apogée, plus d'un million de soldats alliés étaient engagés, faisant plus de 209 000 victimes alliées. Parmi ceux-ci, près de 55 000 soldats et aviateurs ont été tués.

Le rôle de la 2e Armée britannique, qui comprenait le 2e Corps canadien, était de retenir le gros des forces allemandes, en particulier leurs blindés, dans la région de Caen pour permettre à la 1ere Armée américaine une avance plus rapide dans un mouvement de balayage venant du sud, se terminant à Falaise.

La bataille pour la ville de Caen s'est terminée le 9 juillet avec près de 1 200 Canadiens morts et blessés au cours des deux derniers jours du combat. Ce nombre a dépassé le nombre de victimes des débarquements eux-mêmes. L'objectif était maintenant de continuer à éloigner les forces allemandes de la 1ere Armée américaine et de pousser vers Falaise

L'opération ATLANTIC était le volet canadien d'une opération plus vaste GOODWOOD visant à sécuriser la rive ouest de l'Orne et la crête de Verrières pour donner aux Alliés une vue dominante sur les positions allemandes au sud de la crête. L’opération a commencé le 18 juillet 1944 avec des éléments de la 3e Division canadienne traversant dans les parties nord-est de Caen et la 2e Division canadienne traversant dans les parties sud et frappant vers le sud.

Rôle du GRC

Plus d'un mois s'était écoulé depuis les débarquements. Il n'y avait encore que deux petits ponts sur l'Orne dans la tête de pont aéroportée « Airborne Bridgehead » tenue par les Britanniques au nord de Caen, et il en fallait davantage. L'opération ATLANTIC a impliqué toutes les six compagnies de campagne divisionnaires sur le théâtre ainsi que l’appui des ingénieurs du Corps et des compagnies du pont du Corps des services. La reconnaissance du site a commencé le 17 et le pontage a commencé tôt le 18 sous observation et de forts tirs ennemis.

Les Allemands ont empêché tout progrès pendant la journée et les travaux ne pouvaient commencer que tard dans la nuit et au petit matin du 19. Ironiquement, une première incursion à travers un pont démoli pendant la journée du 18 juillet a permis à un peloton de la 6e Compagnie de campagne appuyant les Regina Rifles, de faire 27 prisonniers allemands.

La première traversée amphibie dans le secteur de la 3e Division près d'Hérouville, ne fut achevée que dans l'après-midi du 19. Outre l'ingérence ennemie, les sapeurs de la 16e Compagnie de campagne ont travaillé sur des berges boueuses et instables en combattant des marées de trois mètres et des berges de six mètres de chaque côté. Heureusement, le secteur de la 2e Division était hors des zones de marée du fleuve et du canal de Caen.

Les troupes du Génie du Corps canadien se sont vu attribuer deux passages au centre de la ville et de dégager les voies d'approche et de sortie. Tôt le 18, le QG du Génie du Corps est installé à Caen et des stocks de pontage pour les 29e et 31e Compagnies de campagne sont rassemblés dans la ville. Avec l'ennemi si proche, seule la reconnaissance était possible pendant la journée, bien que la 30e Compagnie de campagne ait été en mesure de dégager suffisamment de gravats pour permettre à une infanterie limitée de traverser la rivière. À 22 h 00 cette nuit-là, la 29e Compagnie de campagne a commencé à travailler sur un pont Bailey simple double de classe 9 de 150 pieds, et la 31e Compagnie de campagne a commencé un passage de classe 40 en utilisant le quai restant et la troisième travée d'un pont démoli pour relier des travées de pont Bailey de 50 pieds et double simple de 80 pieds. Des problèmes potentiels ont commencé avant minuit lorsque des bombes ennemies sont tombées dans la zone des stocks de pontage. Grâce aux actions rapides et courageuses des sapeurs et des soldats du Corps des services sur le site, les opérations de pontage n'ont pas été retardées. Les deux passages étaient ouverts le lendemain matin.

Les ingénieurs divisionnaires ont réussi à ouvrir plus de passages. La 7e Compagnie de campagne a construit un pont flottant et un traversier avec du matériel de pont flottant de classe 9, tandis que la 11e Compagnie de campagne a construit un radeau Bailey de classe 40 qui transportait plus de 100 chars d'une rive à l'autre.

Au fil des jours, des ponts plus lourds ont été construits et plus de routes ont été dégagées. Dans l’après-midi du 22 juillet, plusieurs voitures ont traversé un pont de classe 40 construit par la 31e Compagnie de campagne et sont revenues en traversant le pont triple-double de la 5e Compagnie de campagne en aval. Winston Churchill et le général Montgomery sont sortis des voitures. Montgomery a baptisé les ponts « Winston » et « Churchill ». 

Le coût de la vaillance

Ces succès n'étaient pas sans coût. De nombreux sapeurs ont été tués et blessés, et des hommes courageux ont excellé dans leurs tâches. La bravoure de tous ces hommes n'est reconnue que dans une poignée d'officiers et d'hommes décorés pour leur rôle dans l'opération ATLANTIC.